Looking a
commencé sa diffusion il y a 8 semaines, et a engendré rapidement une quantité insupportable
de discussions et de polémique sur internet des deux côtés de l’Atlantique. Il
y avait ceux qui reprochaient à la série d’être clichée et de montrer un côté
hyper-sexualisé de la communauté gay, et il y avait ceux qui trouvaient que la
série n’était pas assez « gay », dans le sens où elle n’affirmait pas
assez son appartenance à cette communauté, qu’elle était sans saveur dans cet
aspect.
Une quantité
de blabla qu’on avait pas vu depuis le lancement de…Girls il y a deux ans. Forcément quand une série débarque sur HBO
il y a des tas d’attentes qui se créent, encore plus lorsqu’il s’agit de
combler un vide créé dans le paysage sériel américain depuis des années (Girls était présentée comme l’héritière
spirituelle de Sex And The City, et Looking est la première série mainstream
qui parle uniquement de personnages homosexuels depuis Queer As Folk). Forcément, des tas de personnes ont voulu faire de
cette série une représentation fidèle de leur vision de l’homosexualité, de la
façon dont ils vivent. Le problème c’est qu’évidemment c’est impossible. Et
puis surtout, l’ADN de Looking est
implanté fortement dans le fait qu’elle se déroule à San Francisco. On peut d’ailleurs
la comparer à d’autres séries HBO de ce côté-là, car nombreuses sont les
productions de la chaîne à ancrer leur histoire dans un lieu particulier, pour
lui donner une saveur unique. Je peux vous citer True Blood et son ambiance dirty south qui représente 50% de l’intérêt
de la série (les 50% restant étant répartis entre le sexe et le gore), mais
aussi True Detective, dont l’étude
détaillée de la société rurale de Louisiane tient une place aussi importante
dans la série que l’enquête policière et la psychologie des deux héros. Et bien
sûr, c’est le cas aussi avec Girls,
qui est maintenant considérée comme la Grande Encyclopédie de la Vie à
Brooklyn. Looking a donc réussi à
imposer sa marque en plantant son décor et en nous plongeant dans un univers
unique qu’on ne voit pas ailleurs à la télévision.
Après un
pilot prometteur mais qui ne faisait que présenter les divers personnages et un
deuxième épisode qui poursuivait l’effort entamé par le premier, la saison est
vraiment passée aux choses sérieuses avec l’épisode 3, et l’introduction de
Kevin, le boss de Patrick, interprété par Russel Tovey. C’est aussi dans cet
épisode que Dom rencontre Lynn, son futur partenaire de business et qu’Augustin
rencontre CJ, l’escort qui va être au centre de la storyline de ce personnage.
L’épisode 4 permet de cocher une case de plus dans les étapes obligatoires
quand il s’agit de dépeindre la communauté gay de San Francisco : la
Folsom Street Fair. C’est comme si la série se débarrassait de ces sujets trop
attendus ou évidents dans sa première partie de saison, pour passer aux choses
sérieuses ensuite.
Et quelles
choses sérieuses. Le cinquième épisode, dédié totalement à une déambulation
romantique dans la ville entre Patrick et Richie, est clairement l’épisode le
plus emblématique de la série. En moins de 30 minutes, on est plongé dans l’intimité
d’un couple naissant, avec les sentiments, avec les questionnements, l’envie de
découvrir l’autre et aussi la crainte de trop se dévoiler. La superbe performance
des deux acteurs et la magnifique
réalisation aidant. La partie la plus intéressante de la série est vraiment la
vie sentimentale de Patrick et le triangle amoureux qui se met rapidement en
place. C’est un schéma très classique et qui pourtant est très bien exploité
ici. Aux premiers abords, la série nous présente les deux hommes qui attirent
Patrick comme deux choix de vie entre lesquels celui-ci hésite. D’un côté, on a
Richie, le coiffeur latino, qui n’a pas vraiment d’ambition dans la vie, qu’il
rencontre dans le métro un soir, qui porte des joggings et des casquettes. De l’autre
il y a Kevin, son boss, avec une bonne situation financière et qui représente
un certain classicisme (il sait comment faire un nœud papillon). Kevin, c’est
le modèle du petit ami que Patrick recherche au début de la série, ou plutôt,
et on nous le fait comprendre assez vite, que la mère de Patrick validerait
facilement. La relation entre Patrick et sa mère est un peu le gros sujet
récurrent de cette saison, toutes ses actions tournent autour de sa peur de
décevoir sa mère, de tourner le dos au moule dans lequel il a grandi. L’épisode
anecdotique de son adolescence qu’il raconte à Richie dans l’épisode 5 est d’ailleurs
très symptomatique de ce blocage. Patrick raconte que dans le bus, de retour d’un
camp informatique, il a masturbé un de ses camarades et était soulagé qu’il
éjacule avant d’être de retour au Colorado, l’état où il a grandi. C’est juste
une façon très détournée et amusante de nous prouver à quel point Patrick tient
à ne pas salir sa bonne conscience WASP.
Avance
rapide vers le season finale, après notamment l’épisode du mariage de la sœur de
Patrick, avant lequel il se dispute avec Richie et auquel ce dernier finira par
ne pas assister, le schéma se retrouve alors retourné. Dans ce dernier épisode,
Patrick, toujours en froid avec Richie, couche enfin avec Kevin (après que ce
dernier, saoul, l’ait embrassé dans l’épisode précédent), après lui avoir
rappelé qu’il a quand même un petit-ami. Désormais, c’est Richie qui représente
le classicisme, c’est une relation monogame sans culpabilité, alors que Kevin
est un homme en couple, qui vient de tromper son petit-ami en couchant avec
Patrick, et qui représente maintenant un modèle de vie amoureuse que ce dernier
fuit clairement.
Les
intrigues tournant autour des deux autres personnages principaux sont plus
difficiles à cerner et les scénaristes de la série ont peut-être aussi plus de
mal à les rendre intéressantes à nos yeux. Dom passe le cap important de la
quarantaine, qu’il considère comme la fin de vie pour un homo, et se décide
enfin à se lancer dans son rêve, avoir son propre restaurant, principalement
par réaction d’orgueil en voyant comment son ex vit à Los Angeles. On le voit s’associer
avec Lynn, le fleuriste avec des connexions qui l’aideront dans son entreprise.
La relation entre ces deux personnages montre bien la difficulté qu’il y a à
conserver une relation professionnelle sérieuse sans céder à la tentation des
sentiments amoureux. Au final Dom cède à cette tentation. Je ne sais pas si c’est
quelque chose que j’ai vraiment envie de voir, j’aime cette position de mentor
qu’avait pris Lynn pendant cette saison. En plus l’avenir de Scott Bakula dans
la série est incertain, vu que celui-ci est au casting du pilot du nouveau spin-off
de NCIS, et que si la série est
commandée par CBS, il devra dire au revoir à un rôle récurrent dans Looking.
Du côté d’Augustin, la saison
commence alors que celui-ci vit une relation de couple sans accrocs avec Frank,
et qu’il veut s’installer avec lui (chose qui se fera dès l’épisode deux), mais
très vite tout part en morceaux et Augustin rencontre CJ, un prostitué qu’il va
payer, cher, pour le faire participer à un projet artistique. Voulant pimenter
sa vie de couple, il ira même jusqu’à faire en sorte que Frank couche avec CJ,
en prétextant que c’est pour son projet. On voit surtout que les deux ont du
mal à communiquer et que Augustin est complètement paumé, ne sait pas où il va.
Au final, ce qui est inévitable arrive, ils rompent dans le season finale.
Le season finale est intéressant car,
à travers les scènes au restaurant de Dom, il met au point très bien la
situation des différents protagonistes. Alors que Patrick et Dom ont progressé
depuis le pilot, avec plus ou moins de succès, Augustin, lui, a régressé, il
demande même à retourner vivre avec Patrick, « comme au bon vieux temps ».
D’ailleurs la dernière scène de la saison, et le parallèle avec The Golden Girls, offre une belle
conclusion à la saison. « I have compassionate friends around me »,
les amis sont là pour nous soutenir, Augustin et Patrick se rapprochent et se soutiennent
alors que c’est le bordel dans leur vie amoureuse respective.
Fort heureusement, une saison 2 de Looking a été commandée, grâce à des audiences
globalement en hausse tout au long de la saison. Malheureusement, 8 épisodes c’est
très court et il est très difficile de développer des intrigues qui durent avec
si peu d’espace, mais au moins ça a le mérite de réduire le risque de tournage
en rond. Il va être intéressant de voir dans quelle direction la série va
partir, parce qu’au final, aucun des problèmes créés dans cette première saison
n’a été résolu.
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